Il y a une semaine, les Tunisiens ont célébré la fête de l’Evacuation, mais à l’exception des cérémonies officielles, nous n’avons pas observé un grand intérêt citoyen, ni un engouement populaire. Ce désintérêt ne concerne pas uniquement cette fête qui commémore le départ des troupes françaises du territoire tunisien depuis la base de Bizerte, le 15 octobre 1963, mais porte, malheureusement, sur toutes les fêtes nationales. S’agit-il d’une dégradation du sentiment d’appartenance ou d’un manque de sensibilisation, notamment éducatif ? En tout cas, ce constat pourrait cacher toute une culture généralisée dans la société tunisienne marquée par une passivité à l’égard de toutes les valeurs patriotiques
Pour certains Tunisiens, les fêtes nationales signifient uniquement des jours fériés et sont synonymes de repos et de vacances, pour d’autres ce ne sont que des jours vidés de sens et de symboles. Pourtant, la Tunisie se présente comme un pays riche en histoire où les fêtes nationales, assez nombreuses, font partie de tout un héritage culturel et historique. La fête de la Révolution et de la Jeunesse, dernière fête nationale à être décrétée par l’Etat tunisien pour commémorer la chute de l’ancien régime le 14 janvier 2011, constitue le prolongement de cet héritage culturel par lequel l’Etat tend à enraciner certaines valeurs sociétales et patriotiques, notamment dans les jeunes générations, en vue de renforcer le sentiment d’appartenance. Et c’est notamment la fête de l’Indépendance qui se présente comme la principale occasion pour se remémorer le moment le plus important de l’histoire du pays marquant l’émancipation de tout un peuple et la libération de toute une nation de l’occupation française.
La fête des Martyrs, qui commémore le sacrifice de plusieurs martyrs tombés sous les balles des forces d’occupation françaises, fait également partie intégrante de cet héritage si important.
Pourtant, en dépit de ces fêtes et occasions nombreuses où les Tunisiens devraient commémorer des moments clés de leur histoire, les fêtes nationales semblent avoir perdu leur éclat. En effet, c’est notamment le comportement des nouvelles générations qui marquent un désintérêt assez considérable à l’égard des fêtes nationales. Les spécialistes en sociologie expliquent ce phénomène par un manque de sentiment d’attachement et d’appartenance à la patrie.
Tout passe par l’éducation
Mais encore faut-il se demander ce qu’est au juste une fête nationale. Quelle est sa raison d’être ? Sa fonction et sa spécificité dans la société ? Son devenir ?
Il faut admettre que toute fête nationale est porteuse de sens, voire d’une symbolique. En effet, elle renvoie à un sentiment d’appartenance et des valeurs de patriotisme. Et loin des cérémonies officielles, ces fêtes doivent retrouver leur éclat, leur caractère sacré et noble. Car on se rappelle certainement ce qui s’est passé à l’aube du 14 janvier, lorsque les Tunisiens, en masse, fêtaient la fête de la Révolution, puis progressivement et tout au long des dernières années ces festivités notamment à l’avenue Habib-Bourguiba de Tunis perdaient leur éclat. A quoi est dû ce désintérêt populaire? Comment s’explique-t-il ? Comment peut-on remédier à la situation et redonner éclat à ces occasions nationales ?
Pour les spécialistes en sociologie, tout passe par l’éducation. Les programmes éducatifs et de sensibilisation sont les principaux relais des valeurs patriotiques. Ainsi l’introduction de programmes éducatifs portant sur l’histoire de ces fêtes et sur leurs signification et dimension patriotique serait nécessaire dès les classes primaires.
Renforcer le sens du patriotisme
Ce désintérêt grandissant à l’égard des fêtes nationales s’explique notamment par un manque au niveau des valeurs patriotiques. Car loin des problèmes du quotidien, notamment la cherté de la vie qui a atteint un niveau alarmant après la Révolution, les prix en perpétuelle hausse et la dégradation de la qualité de vie, les Tunisiens ne doivent pas lier ces difficultés au sens du patriotisme et de l’appartenance. Si les notions d’honneur, de sens du devoir, d’amour et de défense de la patrie se sont progressivement dissipées, au vu de ces problèmes quotidiens, elles doivent retrouver leur éclat notamment dans les rangs des nouvelles générations. Car même si le patriotisme semble avoir perdu en chemin sa signification historique, il doit être restitué dans sa tradition, sa pureté républicaine, dépouillée de tout extrémisme. On doit restaurer le sens premier d’une notion pure qui renvoie au sentiment national d’attachement et d’appartenance à son pays. Cela passe forcément par l’implication des enfants et des jeunes dans la commémoration des différentes fêtes nationales, fait qui se présente comme un moyen efficace pour les inscrire dans une continuité intergénérationnelle, pour les intégrer dans l’histoire de leur pays. En étant présents à ces rendez-vous historiques constituant un réservoir de symboles, les nouvelles générations puisent dans la connaissance du passé pour s’impliquer dans les chantiers de l’avenir. Le rôle des médias et des journalistes dans la sensibilisation aux différentes composantes de cet héritage, à travers notamment l’explication et la présentation des contextes de ces fêtes, serait également primordial pour lutter contre la dégradation de ces valeurs patriotiques.